be your own hero !

— 1 9 0 7

J'ouvre les yeux et je me retrouve dans un lit. Dès l'instant où je retrouve conscience, je m'aperçois que la couette est épaisse, trop épaisse. Je la trouve oppressante, et soudain je suffoque parce que ma cervelle a enfin décidé de s'activer; je réalise que ce lit n'est pas le mien. Je redresse mon tronc et ma tête commence à tourner grave. Putain, j'ai tellement envie de gerber… Mais je dois me retenir, c'est trop dégueulasse – et y'a déjà assez de bestioles sous le matelas comme ça. À la place, je me laisse atteindre par un bombardement de questions existentielles. J'suis où, là ? Pourquoi j'suis dans cet endroit moisi aux murs défoncés et au plafond dégoulinant ? Mais bordel, qu'est-ce que j'ai bien pu faire hier soir ?! Je place ma main toute moite sur ma poitrine angoissée et j'essaie de la calmer. Yo, faut pas paniquer, mec. Un peu d'amnésie, ça peut pas faire de mal... Sauf que c'est vachement chiant. Oh mais tiens, heureusement pour moi, le nuage avec l'ampoule dedans fait brusquement POP au dessus de ma tête. Il était à peu près temps. Maintenant, je me souviens de tout. Et… c'est pas faux qu'oublier qu'on n'a plus un sous est une situation totalement inoffensive pour l'esprit. Surtout quand ensuite on se souvient qu'on est allé jusqu'à quémander l'hospitalité chez une cruche de soeur pour ne pas se retrouver avec des poubelles comme meilleures amies. Ouais, c'est ça. En toute honte, j'avoue que je suis allé voir cette fille pour m'éviter une plus grande misère. Je devais être saoul, hier soir, pour oser passer sur sa rue. Quel lâche je fais pour ne pas vouloir affronter les trottoirs glacés comme un homme ! Enfin, voilà, j'suis là, j'peux plus reculer. C'est elle que je devrai affronter désormais. Je pousse un soupir exaspéré quand ladite soeur se manifeste subitement à l'intérieur de ma – enfin, sa – chambre.

- Skelounet chéri, je peux entrer ? glapit-elle de sa voix stridente d'enfant.

Ben, t'es déjà entrée, idiote.
En guise de réponse verbale, j'émets un gémissement torturé qu'elle va sûrement interpréter comme une approbation joyeuse qui n'a pas de mots pour être exprimée. Comme de fait, j'ai raison. Elle saute à mon cou avant que j'aie le temps de la repousser avec une baffe.

- Je suis si heureuse que tu sois passé me voir ! Tu m'as manqué, tu sais ?
- Ouais.
- Raconte-moi ce qui s'est passé depuis mon départ. J'arrive pas à croire qu'on ne s'est pas vu ni parlé depuis un an ! Je veux absolument touuuut savoir de mon petit frère adoré.

Haha, en fait, je comprends pourquoi j'étais si stressé tout à l'heure. Je n'ai jamais supporté une seconde ma sœur Noouna. Elle a trois ans de plus que moi et pourtant j'ai toujours l'impression qu'elle en a treize de moins. Quand je la surnomme Noou-noune, elle s'esclaffe au point de se rouler par terre et prend ça comme une marque d'affection de ma part. J'vous dis, c'est loin d'être ça. Si elle me faisait la même chose, je vous assure qu'elle se serait prit quelques lancers de couteau dans la peau. Sans blague, on est tellement des antithèses, elle et moi… Et niveau intelligence, j'ai l'air d'Einstein à côté d'elle. Pour qu'elle comprenne ce que je lui dis, je dois lui parler d'un ton ferme:

- Crois-moi, il ne s'est rien passé du tout.
- Roooh, tu ne veux jamais rien partager avec moi ! pleurniche-t-elle alors. Dis au moins ce qui t'amène ici ? À peine es-tu arrivé hier soir que tu t'es effondré dans mon lit !
- C'est pas important.

Noouna croise les bras sur sa poitrine et affiche une moue sur son visage.

- Si tu veux que je te garde ici, tu as intérêt à m'expliquer la raison de ta venue.

Tu veux vraiment savoir ce qui m'amène ici ? Ta naïveté, ton idiotie et ton putain de fric ! Tu ne me croies pas ? Bon d'accord, j'viens te faire chier, c'est tout. Oh God, va-t-elle un jour finir par se taire ou c'est trop en demander ?

- Ça va, je m'en vais. Je m'habille et dans deux minutes je serai déjà loin de ce trou. C'était une grosse erreur de venir ici.

Je fais mine de partir, et, comme dans les feuilletons radiophoniques nazes qu'on entend quelques fois dans les places publiques, Noouna me crie:

- Attends !

Je me retourne en souriant intérieurement.

- Reste, s'il-te-plaît, poursuit-elle. J'ai quelque chose à te dire.
- Et moi, quelque chose à te demander.
- (Elle lève un sourcil: ) Quoi donc ?
- Un prêt. J'ai besoin d'un peu d'argent. Pas beaucoup, juste assez pour…

M'acheter un peu de coke, ou une cigarette, à la limite. Ça me détendra.

-… rester quelques jours dans une auberge. Je me referai et je pourrai te rembourser dans peu de temps, j'te le jure.

Les yeux de ma sœur plongent soudain vers le bas et je la connais assez pour deviner à quel point elle a honte de ce qu'elle va m'avouer dans un instant.

- Justement, à propos d'argent…, commence-t-elle, je n'ai plus grand-chose, moi non plus. Mais j'ai volé des livres à la bibliothèque… qui enseignent les bases de l'alchimie.
- L'alchimie ? Tu veux dire cette pseudo-magie qui demande un certain nombre de neurones que tu es loin de posséder ? Pff, j'ai bien hâte de voir ce que tu vas réussir à faire, si tu réussis à faire quoi que ce soit !

Je ne peux m'empêcher de rire parce que je ne m'attendais pas du tout à ça. Sérieusement, elle va vraiment se mettre à pratiquer ce truc de débile ? Elle a encore glissé plus bas dans mon estime, celle-là.

- Tu ne crois pas en moi, comme toujours. Mais tu verras petit frère, un jour je maîtriserai l'alchimie et j'aurai de quoi vivre convenablement, tandis que toi tu quêteras encore de la nourriture et de la monnaie à tes pauvres connaissances.

Ouhlala. Je n'ai jamais vu autant de conviction dans le regard de Noouna, et en plus ça semble réel. La vache, ça, ça me donne des putains de frissons.

— 1 9 0 7 • S i x . m o i s . p l u s . t a r d

- Yo Skelle ! J'ai entendu dire que ta sœur fait fureur chez la populace de l'Ouest en réparant des trucs mal foutus.
- Ouais, c'est c'qu'on dit.
- L'alchimie hein ? Ça doit t'faire un sacré choc de voir que Noouna a du succès aussi vite alors que t'as étudié des années pour finalement arriver à pouet ! P'têt qu'un jour elle deviendra alchimiste d'état, qui sait… 'Tain elle serait canon en uniforme !
- Bordel Eric ! Penses-y même pas.

Je donne à mon ami un coup de poing amical sur son triceps de fer. Néanmoins, mon sourire est forcé et ma mâchoire est toute serrée à l'intérieur. Les propos d'Eric me font grincer des dents. Et merde quoi ! C'pas ma faute si les livres avec lesquels j'me suis cassé la tête à étudier valaient d'la crotte de cheval ! Oui, j'me suis déjà intéressé à l'alchimie. J'ai déjà cru que ça pouvait régler des problèmes et amener des miracles. Mais c'est fini maintenant, j'crois plus en rien. Dans le silence, j'amène ma cigarette fumante à mes lèvres et je murmure:

- Si jamais mon imbécile de sœur décide de devenir un chien de l'armée, eh bien, soit. Qu'est-ce que j'en ai à foutre de toute façon, hein ?

Assis à la frontière de la ville, sur une petite muraille de pierre, je regarde les vallées à l'horizon. C'est drôle, je ne peux plus voir les arbres qui se trouvent non loin de nous; ils me donnent l'impression d'être minuscule, faible, vulnérable. Et je déteste ça.

- Skelle ? chuchote Eric.
- Quoi ?
- Tu trembles.

Ah. Mon regard glisse sur le tube de papier sous mon nez. Ben tiens, la vache, ma main a des spasmes ! Dans un soupir, j'écrase mon joint entre deux pierres.

- Et merde.

Elle n'a pas le droit de faire ça. Elle ne peut pas… Elle ne peut pas me voler mon rêve, bordel !

— 1 9 0 8

Bon Dieu de merde, mais c'est quoi ça ? Qu'est-ce que… qu'est-ce que… ?! …

J'suis dans une pièce toute noire. J'vois à peine l'ombre de mes mains, mais je sens qu'elles sont mouillées de sueur. Mon cœur bat à cent mille à l'heure, j'ai chaud et ma claustrophobie se manifeste sans pitié. Devant moi, y'a que le néant. J'ai presque l'impression de tomber, d'être attiré vers quelque chose d'à la fois inconnu et… connu. Du coin de l'œil, j'aperçois une faible lumière, mais elle me procure un mauvais pressentiment. Mon âme m'ordonne de ne pas regarder par là, mais tel une marionnette, mon corps se tourne en direction de la lueur et je n'ai d'autre choix que d'observer.

Là.

Un homme me fixe tandis que je fais de même. Je ne vois pas très clair, mais la lueur qui l'entoure lui donne l'apparence d'un ange. Un ange aux cheveux sombres et aux allures rebelles, un ange sans ailes et sans auréole qui m'observe d'un air triste. Je fais un pas en avant, mi-intrigué mi-réticent, et je réalise que non, l'ange n'est pas triste. En fait, il est… mort. C'est ça. Son expression est neutre et figée, et son regard n'a plus de feu. Et pourtant, sa carcasse tient debout et remue encore. Il y a des taches noires énormes sous ses yeux et les traits de son visage… Putain c'est pas vrai ! Les traits de son visage lui donnent au moins dix ans de plus. Mais ses yeux, regardez encore ses yeux… j'ignore comment, mais je sais que ce n'est pas un homme qui se trouve là. C'est un adolescent fatigué et désespéré qui cherche de l'aide. L'aide de qui ? Moi ? (Non, l'aide du pape, idiot.) J'entends mes pensées comme si je parlais à voix haute. Ah non attends, j'peux pas t'aider moi, je sais pas comment faire. T'as l'air dans un sale état mon vieux, j'vais pas perdre toute mon énergie à essayer de te réanimer, faut que j'sorte d'ici moi… et puis j'vois pas pourquoi j't'aiderais, t'es qui toi, hein ?

Je lève les mains devant moi et je réalise que ma main droite tient quelque chose. Un objet ni chaud ni froid, un objet confortable dans ma paume. Le garçon en avant tient la même chose, dans la même main. Je pointe mon objet vers lui. Il pointe le sien vers moi. C'est une méchante blague ça non ? Ou un drôle de cauchemar. Mais ça va, j'peux me réveiller, maintenant. Pourquoi est-ce que ça fait un mal de chien quand je rentre mes ongles un peu trop longs dans ma chair ? C'est un sacré rêve de malade que j'fais là. Bon. Ce qu'on a tous les deux dans les mains, c'est… un revolver. Si j'essaie de lui tirer dessus et qu'il se défend en me tirant dessus, je risque de me réveiller pour de bon n'est-ce pas… ? Allez, c'est parti mon kiki, attention je tire.

Et pow.
Et gling.
Et shlack.

Voilà l'ange transformé en morceaux de vitre à mes pieds.
Voilà moi qui a tiré sur un miroir.
Non en fait c'est pas ça;
J'ai osé me tirer dessus avec un revolver.
Je suis décidément mort.
À l'intérieur.

Soudain j'ai l'impression de sortir d'une transe. Mais qu'est-ce qui va pas avec moi merde ?! Mes yeux maintenant habitués à l'obscurité partielle, j'examine mon arme. Il manque deux balles. Une que j'ai tiré sur le miroir et l'autre… elle est passée où, l'autre ? Au fond je le sais, mais je ne veux pas y penser. Je n'arrive pas à croire que je l'ai bel et bien fait. J'ai…

… je me suis rendu ici pour …

…assassiner ma propre sœur.

Est-ce que c'est possible ? Est-ce qu'on peut vraiment tuer un membre de sa famille de son plein gré ? Ça a l'air que oui, apparemment. (Non t'es con, tu peux pas faire ça seul. Ton amie la cocaïne et ton pote l'alcool t'ont aidé, viens pas croire que t'as assez de courage pour faire ça seul ! ) En ce moment je suis dans la chambre qui m'a accueilli pour quelques jours l'an passé. Il me semble que le cadavre, je l'ai couché dans le lit sous les couvertures trop épaisses, avant d'avoir eu un espèce de blackout dans mon esprit et de revenir à la réalité debout sur mes jambes. Enfin, je me décide à sortir de cette pièce de meurtre, mon meurtre, et je ferme la porte derrière moi. Je n'ai pas voulu ouvrir la lumière pour voir le visage endormi de Noouna. Il faut être un grand con pour croire qu'elle est morte en paix comme elle a l'air de l'être, et c'est pour ça que je n'éclaire pas la pièce – je sais que si j'le fais, je serai le grand con.

Maintenant, ce que je dois faire, c'est fuir. Fuir loin d'ici, loin de ma sœur idiote, stupide, imbécile, fuir loin de l'Ouest. J'ai encore une longueur d'avance sur la police, je dois en profiter. Mais avant que je puisse les en empêcher, mes jambes courent vers la bibliothèque de Noouna. C'est plus fort que moi. Je dévalise ses étagères à la recherche de ces livres. Je tombe sur trois bouquin: Comprendre l'alchimie, Réparer grâce à l'alchimie et l'Alchimie des éléments, en plus d'un cahier de notes et - oh, miracle ! - des coordonnées d'un maître alchimiste qui vit dans l'Est. Je m'empare de mes trouvailles et je file par la porte arrière de la maison.

Sans plus tarder, je me rends chez Eric. Je sais que je ne risque rien avec lui: c'est lui qui m'a fourni l'arme après que ma sœur se soit servi de lui pour impressionner un autre mec. En plus d'être un gros bourrin, Eric a un très mauvais tempérament quand on se joue de lui. On a dû être bien gelés cette nuit et avoir eu une conversation du genre "Et si on s'en débarrassait pour de bon ?" en parlant de Noouna, ce qui a fini par vraiment arriver. Enfin, sinon, il est de très bonne compagnie. Je cogne à sa porte et quand il ouvre, j'aperçois son visage plus sombre qu'à l'ordinaire, comme s'il s'était déjà préparé pour le deuil.

- Tu l'as fait ? demande-t-il d'un ton morne qui ne lui est pas habituel.

Je hoche la tête. Je ne sais pas si moi j'ai l'air aussi abattu que lui, parce que honnêtement, je ne ressens rien. Absolument rien.

- Tu l'as vraiment fait…, répète-t-il, et je ne peux dire si c'est une question, s'il est épaté, ou s'il est en train de réaliser dans quelle merde on s'est embarqués tous les deux.
- On va devoir partir d'ici, et vite, dis-je en commençant déjà à lui tourner le dos. Je compte passer un peu de temps à l'Est et ensuite me rendre à Central. Toi, tu fais c'que tu veux.

— 1 9 0 9

- Tu résistes.
- Non.
- Tu as peur.
- C'est pas vrai.
- Tu veux vraiment le faire ? Il te sera difficile de changer de voie.
- Puisque j'te dis que c'est c'que j'veux !
- D'accord. Ça arrive, alors.

Les muscles de mes bras sont tendus tandis que l'aiguille pleine d'encre vient percer la surface de ma peau. J'ai passé les douze derniers mois chez le maître alchimiste que ma soeur comptait contacter un jour ou l'autre, apprenant d'abord des transmutations simples, puis des plus compliquées, pour finalement comprendre comment se servir d'un élément en particulier pour en faire sa spécialité. Ça m'a complètement fait lâcher la drogue et l'alcool. Mon maître se nomme Shanaae (ça se prononce Shanaé), et cette fille est une sacré bombe ! Moi qui m'attendais à être reçu chez une vieille croute… elle est loin d'être ça. Shanaae est une alchimiste d'état chargée de former d'autres alchimistes d'état. Elle a un certain caractère et arrive à être gentille même si elle doit être ferme pour que je persévère. Ses élèves sont souvent des fouteurs de merde qui adorent la bataille ou des personnes froides et désintéressées comme moi. Des gens qui n'ont simplement rien à foutre de leur vie ou de celle des autres. Des gens qui veulent le pouvoir juste pour y goûter, et qui le laisseront sur la table par la suite. Des poupées, des marionnettes, des zombies, appelez ça comme vous le voulez.

- Voilà tes premiers cercles de transmutation tatoués sur ta main et ton poignet. Tu veux que je monte sur l'avant-bras maintenant, c'est ça ?
- Mm-mmh.

Shanaae pense que je ferais un bon chien d'armée. Tant mieux. Mon père a servi l'armée toute sa vie et je crois qu'il est monté jusqu'à un garde assez élevé. Il n'était pas alchimiste et c'est ça qui l'a tué. Je ne ferai pas la même erreur. Tant qu'à me foutre de la vie, autant m'en servir pour suivre les traces de mon père. Mon père. Pas celui de ma demi-sœur Noouna. Noouna avait pas le droit de faire comme lui. Cette place était réservée à moi, moi ! Et je sens que je vais enfin y arriver.

- Ça y est, dit Shanaae de sa voix mélodique. Je crois que ça va aller comme ça.
- Et mon bras droit ?
- Avec trop de cercles sur toi du même coup, tu risques de mal les maîtrise et de te détruire, tu sais. Tu vas t'entraîner avec ça et on verra pour la suite.

L'élément que Shanaae a choisi pour moi est l'eau. C'est des cercles de transmutation par rapport à cet élément que je me suis fait tatouer sur le bras. Elle se base sur les livres astrologiques et le caractère de ses élèves pour leur attribuer l'élément qu'ils apprendront. Par exemple, on dit que le feu est destiné à quelqu'un de dynamique et colérique, l'air à quelqu'un de curieux et distrait, la terre à quelqu'un de solide, réaliste et persévérant. Mon maître a décidé de m'enseigner l'alchimie de l'eau parce que selon elle, je suis un être secret, intuitif, émotif, désintéressé et paresseux.* Elle dit que je suis empathique, mon œil ! Est-ce que j'ai déjà eu pitié de quelqu'un ? Jamais. Moi, ce que je voulais apprendre, c'était l'air ou la foudre. Mais bon, on s'en fout, parce que les possibilités d'action avec l'eau sont aussi énormes. Je sais déjà changer les phases de l'eau et provoquer un petite pluie. Alors j'ai qu'à m'entraîner encore et encore, jusqu'à ce que je sois fin prêt pour le grand examen. Je sais que je vais y arriver. J'apprends vite quand je veux.

— 1 9 1 1

Premier janvier mille neuf cent onze. C'est le grand jour de l'examen pour les potentiels alchimistes d'état. Ce matin, Shanaae m'a pratiquement donné un coup de pied aux fesses pour m'éjecter hors de chez elle avec mes valises. « Ne reviens pas avant d'avoir passé cet examen ! » m'a-t-elle ordonné. Et je compte bien obéir à cet ordre. Mon cœur bat la chamade, mais cette fois c'est pas de la panique ou de l'angoisse. C'est de l'excitation. J'ai si hâte. Je prends le train pour Central. Quand j'arrive, je suis les directions que mon maître m'a laissées pour me rendre au quartier général de l'armée. Puis je pénètre dans le terrain réservé aux candidats en attente. C'est un assez grand terrain où on retrouve de la terre, de la végétation, des fontaines, des piles électriques, des torches… bref, tout ce qui pourrait être utiles pour s'échauffer avant de faire sa démonstration. Plusieurs alchimistes de tous âges sont déjà en train de se pratiquer. D'un côté je suis rassuré lorsque je vois l'utopie des alchimistes minables qui n'ont aucune chance de passer avec leurs petites statuettes de bois, de l'autre je me demande, si on s'imagine dans une situation de combat, comment mon eau pourrait vaincre les décharges électriques de celui-ci ou les chaînes créées par celui-là. God, ça risque d'être toute une compétition. En attendant mon tour, j'utilise l'eau de la fontaine pour la transformer en petits animaux de glace. Puis je m'amuse à faire un peu de neige avant de tout remettre comme c'était avant. J'avoue que plus le temps passe et plus je vois les mines abattues des alchimistes sortant de la salle d'examen, plus je commence à stresser. Mais je dois garder confiance en moi, je ne peux pas abandonner et fuir l'alchimie encore une fois.

- Skelton Axander Winthrop ! appelle finalement l'intercom, et je vois les grandes portes s'ouvrir là où je dois aller.

L'intérieur de la salle est vachement plus énorme que ce que je croyais. Au fond se trouve une rangé de militaires haut-gradés séparés par le Fürher, au milieu. Ils sont carrément intimidants avec leur uniforme et leur mitraillette dans les mains. Le Fürher prend la parole et marque le début de l'interrogation d'introduction. Je fais mon possible pour sembler confiant et pour ne pas bredouiller. Je me demande pourquoi je suis aussi nerveux en ce moment alors que j'ai vécu bien pire...

- Skelton Axander Winthrop… Quel âge as-tu ?
- Dix-huit ans, monsieur.
- D'où viens-tu ?
- Je viens de West City, monsieur.
- Pourquoi devenir un alchimiste d'état ?
- Vous devez connaître mon père, Joham Axander Winthrop… À sa mort, j'ai juré de suivre ses traces et de devenir un meilleur soldat que lui. Et je ferai payer ceux qui l'ont tué. Son assassin est inconnu mais… avec vos documents, je finirai bien par découvrir leur identité.
- Veux-tu nous montrer de quoi tu es capable ?

Je fais signe que oui. Je recule et me dirige vers la fontaine, pareille que celle avec laquelle on m'a laissé pratiquer. Je commence par créer des couteaux de glace tranchants que j'envoie dans la cible installée exprès pour ce genre de démo. Puis j'utilise l'humidité et la sueur dans l'air pour créer une neige fine et minuscule, pour la beauté de la chose. Et enfin, j'arrive à mon vrai talent, ma spécialité, ce qui j'espère va impressionner les juges.

Je sors de mon sac à dos le cadavre d'un chien que j'ai préparé pour la finale. Pour activer les cercles de transmutations nécessaires à ce que je désire faire, je frotte brièvement mes bras devant mon torse – comme quelqu'un qui a froid et qui veut se réchauffer, vous voyez un peu l'image ? – puis avec un grand sourire, je fais sortir le sang de la carcasse par toutes les ouvertures possibles – la bouche, le nez, les yeux. Si j'avais fait ça sur une personne vivante, son sang coulerait sans pouvoir se coaguler. Quand tout le fluide vital de l'animal se retrouve au sol, je serre les poings pour activer mes cercles plus simples et je crée une statuette de glace rouge ayant la forme exacte du cabot. Voilà, j'ai séparé le corps et le sang.

Si je ne me trompe pas, le Furher affiche une mine satisfaite sur son visage. Je dois dire que je suis content de mon coup. Pour le nombre de chiens que j'ai dû sacrifier afin de pratiquer le tour à la perfection…

Le silence est insoutenable. C'est sacrément cruel de nous faire mijoter comme ça. Mais après un moment, le Furher s'approche de moi et sort une médaille d'argent sur laquelle est gravée l'image d'un dragon. La vache, j'arrive pas à y croire, elle est magnifique.

- Es-tu prêt à obéir au doigt et à l'œil à l'armée, à te battre et à te sacrifier pour elle ?
- Oui, Fürher !
- Alors félicitations. Tu es maintenant un chien en laisse.

— 1 9 1 1 • A u j o u r d ' h u i

Je m'appelle Skelton A. Winthrop, mais on me surnomme le Skelette, parce que lorsque je vide mes victimes de leur sang, c'est tout ce qu'il leur reste: un Skelette. Avec un K; c'est mon nom de chien, la signature sur ma médaille. Bon, plus officiellement, je suis aussi l'Alchimiste de Sang. C'est avec le sang que j'aime travailler; parfois, mon propre sang sort des pores de ma peau et j'en fais des armes. Ce qui est bien, c'est que la ressource est illimitée. Et au pire des pires, j'utilise de la simple eau. Je sais que je suis bien tordu dans ma tête. Mais putain que j'aime ça ! Mon premier meurtre il y a trois ans en a déclenché des dizaines d'autres. Et bientôt ce sera des vingtaines, et des centaines. C'est amusant parce que mon titre me permet de ne jamais être arrêté. Après tout, je tue pour une bonne cause, et je ne tue que des cibles qui m'ont été attribuées. J'suis obéissant, voyez ? Et puis de temps en temps je passe quelques heures dans la grande bibliothèque, à faire des recherches au sujet de la mort de mon père. Quand j'ai du temps à perdre quoi.

by Faraway

Ton prénom/pseudo : Mélodie / Minuit T'en es à combien de bougies ? 16 dans deux semaines :) Personnalité de l'avatar : Ash Stymest Comment as-tu trouvé BTW ? Excellent *_* Quelque chose à rajouter ? J'en suis à l'épisode 32 de FMAB, j'A-dore (L)